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vendredi 4 novembre 2011

Tunisie : la rivalité France - Etats-Unis

1. Sur Globalnet, le 29 octobre :

"Manifestement incapable de se libérer de ses réflexes d’ancien colonisateur, et oubliant le blanc-seing qu’elle avait toujours accordé à l’ancien régime, la France a lancé une mise en garde à peine voilée  aux gagnants des élections du 23 octobre, en annonçant qu’elle conditionnera sa future aide à la Tunisie au respect des droits de l’Homme et de la démocratie. Les Etats-Unis, eux, se démarquent  de la position de leur allié, et annoncent qu’ils n’émettent pas de conditions préalables à leurs relations avec le prochain gouvernement issu des urnes. Tout en s’abstenant de commenter la position française, Gordon Gray dit que son pays "travaillera avec le prochain gouvernement tunisien démocratique, quelque soit sa composition". "Si nous avons des désaccords ou des inquiétudes, nous parlons avec le gouvernement, nous échangeons les points de vue, mais cela ne veut pas dire que nous émettons des conditions", a déclaré vendredi l’ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, lors d’une conférence de presse tenue au siège de l’ambassade. (...)
Au sujet de la candidature de Hamadi Jebali, Sec Gén d’Ennahda, au poste de Premier ministre dans le prochain gouvernement de coalition, Gordon Gray a martelé que "les Etats-Unis soutiennent un processus et non un candidat", estimant normal que le SG d’un parti qui a gagné la majorité des sièges veuille diriger le gouvernement. "Ce n’est pas une surprise que Hamadi Jebali aspire à devenir Premier ministre. C’est ce qui se passe dans les régimes parlementaires, à l'instar de la Grande Bretagne, lorsque Cameron a obtenu la majorité, la reine l’a chargé de former un gouvernement", a-t-il laissé entendre, affirmant que "les Etats-Unis souhaitent travailler avec des personnes choisies par la majorité du peuple tunisien  pour former l’assemblée constituante".
Et de renchérir : "Cette histoire de personnes n’intéresse pas le Tunisien moyen, peu importe pour lui, qui gagne et qui perd les élections, ce qui le préoccupe c’est sa poche ; c’est l’état de l’économie. Le prochain premier ministre doit faire des efforts pour relever les défis économiques et répondre aux attentes de la population. Les Etats-Unis veulent apporter leur  assistance dans ce domaine".
Il a annoncé la visite lundi prochain d’une délégation de 13 entrepreneurs américains.  Par ailleurs, le département d’Etat américain va accueillir le 15 novembre une conférence sur le tourisme et l’investissement en Tunisie avec la participation de Tunisiens, dont des membres de la diaspora vivant aux USA. Cette conférence va examiner trois domaines à savoir le tourisme, les technologies de l’information et la franchise commerciale. Les Etats-Unis vont participer au "salon sur  la franchise" qui se tiendra du 7 au 9 décembre à Tunis.
(...)
Les 50 observateurs de l’Ambassade ainsi que ceux du centre Carter, du National Democratic Institute (NDI), et d’autres organisations "ont tous émis des rapports, ils ont relevé quelques irrégularités mais ont dit que les choses se son déroulées correctement. Aucune élection dans le monde n’est parfaite, même aux Etats-Unis, il y a quelques fraudes", a-t-il admis.


2. Sur le site Kapitalis (par Bruno Walther, directeur de l'entreprise française CaptainDash):
Chers amis français...
Depuis dimanche, vous tentez de transformer le printemps tunisien en hiver islamiste.
Je vais probablement choquer certains d’entre vous mais je me réjouis du bilan des élections en Tunisie.
J’en entends déjà certains s’étrangler : «Quoi mais comment se réjouir de la victoire d’Ennahdha, quel cynisme ?»
Oui, je l’assume, le résultat des élections est une bonne nouvelle pour la Tunisie, la démocratie et le monde libre.
Le pathos des «belles âmes européennes»
En tant que démocrate, je ne boude pas mon plaisir de voir une nation s’émanciper et prendre le chemin de la démocratie.
Abandonnons cinq minutes le pathos des «belles âmes européennes» et de «l’intelligentsia moderne autoproclamée» et soyons un peu factuel.
Le peuple tunisien réussit à se libérer seul de la dictature et à lancer un mouvement d’émancipation démocratique que nous n’avions pas connu depuis 1989.
En neuf mois, la petite Tunisie a bâti un processus électoral exemplaire avec une Haute autorité dont l’intégrité pourrait servir de modèle à bien des démocraties occidentales. A reconstruit les listes électorales vérolées par le benalisme. A légalisé les partis politiques interdits sous la dictature, libéré les prisonniers politiques, appris à faire de la politique et à dialoguer.
Sur la forme, le processus électoral s’est déroulé dans une concorde remarquable pour un pays qui vivait, sur fond de récession et de crise économique, la première expérience démocratique de son histoire.
Sur le fond, du Cpr à Ennahdha en passant par Ettakatol, les grands gagnants de ces élections sont les partis et les personnalités qui ont eu un comportement exemplaire sous la dictature et qui affichent un haut degré de probité morale.
Le message envoyé par le peuple tunisien est limpide. Il souhaite tourner définitivement la page du Benalisme. En finir avec les pratiques de la dictature mais aussi avec un modèle de développement économique basé sur l’irresponsabilité sociale et la prédation économique. Avec une administration, kafkaïenne en grande partie corrompue, construite, de Bourghiba à Ben Ali, non pas pour servir le peuple mais pour le contrôler.
Quitte à continuer à choquer mes amis français, la seule chose qui me choque, en tant que démocrate, est le score invraisemblable d’Al-Aridha qui démontre la puissance du régionalisme et des réseaux Rdcistes.
Vous allez me dire Ennahdha a un double discours.
Peut-être. C’est souvent la plaie des partis politiques de faire du mensonge une stratégie de prise de pouvoir.
Mais de grâce tentons de sortir de la dialectique mortifère issue du Benalisme et de raisonner librement en faisant abstraction de vingt-cinq ans de propagande.
L’hystérie des journalistes français
Jugeons simplement sur pièce. Et n’oublions pas que c’est sur la base de ce programme qu’Ennahdha a conquis le cœur des Tunisiens. Qu’Ennahdha abandonne son programme, dérive et le peuple tunisien saura se mobiliser.
Je vous le dis directement, vu de Tunis, l’hystérie des journalistes français contre Ennahdha est aussi ridicule que les cris, en 2007, d’une partie de la gauche française qui nous expliquait que Sarkozy était une réincarnation d’Hitler.
La Tunisie est indéniablement une démocratie. La première du monde arabe. Et c’est une très belle nouvelle.
Maintenant vous allez me dire, mais comment peux-tu investir dans un pays gouverné par des islamo conservateurs où le risque d’instabilité est si fort ?
Et bien là je vais achever de vous choquer.
Ce qui menace la Tunisie ce n’est pas l’extrémisme religieux. La Tunisie est un pays historiquement ouvert et pacifique. Un des rares pays au monde qui n’a jamais déclaré la guerre à ses voisins et qui n’a jamais massacré ses minorités. Après plus de 2000 ans de pacifisme la Tunisie ne va pas se transformer, par enchantement, en peuple guerrier et intolérant. 50 ans après l’indépendance, la Tunisie est juste en train de retrouver son identité arabe et musulmane. Et c’est plutôt une bonne chose.
Non ce qui menace la Tunisie aujourd’hui c’est la misère, la crise économique et les insupportables inégalités sociales.
Et cette misère a une cause la corruption. Elle gangrène l’ensemble de la société, pervertie les valeurs et plombe l’économie.
En Tunisie, après 25 années de benalisme, le modèle d’enrichissement ne passe pas par la création d’entreprise, l’innovation ou l’effort. Non c’est le règne du piston, des commissions et des bakchichs.
La corruption est devenue une machine à détruire la croissance, à casser les entreprises, à décourager l’effort et à faire fuir les investissements étrangers.
Et disons-le clairement il n’y aura pas de croissance durable et de créations massives d’emplois en Tunisie tant que la corruption ne sera pas sévèrement combattue, que l’effort ne sera pas récompensé et les richesses mieux redistribuées.
Ce qui menace l’investissement c’est clairement la corruption. Derrière chaque douaniers, inspecteurs des impôts, affairistes se cache un prédateur potentiel qui risque de vous braquer votre capital et vos économies. Valoriser l’effort et le respect dans une société où l’incivisme et l’individualisme extrême ont été érigés en modèles est un défi quotidien.
Le plébiscite des partis intègres
De ce point de vue, le résultat des élections est une bonne nouvelle.
En balayant les partis politiques issus de l’ancien régime et en plébiscitant les partis intègres qui proposent une société, moins individualiste et plus juste, les Tunisiens ont envoyé un mandat impératif aux nouveaux élus : la justice.
La justice pour que les criminels et les corrompus de l’ancien régime soient enfin inquiétés.
La justice économique pour que la richesse tunisienne ne soit plus confisquée par une artistocratie autoproclamée et massivement corrompue.
La justice sociale pour que la dignité des plus faibles soit enfin respectée.
En nettoyant le système, en moralisant la vie politique et en s’attaquant fermement à la corruption, la Tunisie peut enfin se donner les armes pour créer une croissance durable capable de créer des emplois.
Les grands gagnants des élections en Tunisie ne sont pas les intégristes mais les intègres !
Et c’est définitivement en Tunisie que se dessine le monde de demain, avec ses incertitudes et ses promesses.

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